Nous nous permettons de publier ici un extrait de son livre Judaïsme contre sionisme. Il écrivait ceci le 8 septembre 1967 à Georges Montaron directeur de Témoignage chrétien :
« L’Etat d’Israël est reconnu par les grandes nations. Il est membre de l’O.N.U. Cela lui donne le droit à la vie. (…). Il a le droit à son indépendance et à son intégrité territoriale. »
Mais vous vous déclarez hostile à l’annexion des territoires nouvellement conquis.
Vous savez que je ne suis pas partisan de l’État d’Israël, mais si je l’étais, comme la quasi totalité des Israéliens, j’approuverais l’annexion de Jérusalem, de la Cisjordanie, de Gaza, etc. Car, enfin, si l’on reconnaît le droit à l’existence de l’État d’Israël dans la nouvelle ville de Jérusalem, à plus forte raison doit-on le reconnaître dans la vieille ville ; et si Haiffa, Nazareth et Jaffa sont reconnues villes israéliennes, parce qu’elles l’ont été dans le passé biblique, pourquoi Hébron, Naplouse et Jéricho ne le seraient-elles pas ? Les unes sont aussi juives, historiquement, que les autres. Si on est partisan de l’établissement de l’État juif, si on en reconnaît la légitimité, alors il faut aussi lui reconnaître ses frontières bibliques. Les frontières de 1948 ont amputé l’État juif, et aucun sioniste digne de ce nom ne pouvait s’en contenter ; ce que vous appelez annexion et conquête n’est, pour lui, que rétablissement de l’intégrité territoriale, à laquelle vous lui reconnaissez le droit, que vous contestez par ailleurs. Et si malgré tout vous appelez conquête et annexion les opérations militaires de 1967 qui ont permis aux Israéliens d’occuper la vieille Jérusalem avec le Mur des Lamentations, Hébron et Jéricho, pour être logique avec vous-même, vous devez également appeler ainsi les opérations militaires qui ont permis aux sionistes de s’emparer de Haïffa, Nazareth et Jaffa ; si vous refusez à l’État d’Israël le droit d’exercer sa souveraineté sur les premières, il n’y a aucune raison pour que vous lui accordiez ce droit sur les secondes. Si vous donnez à l’État d’Israël le droit d’exister en Palestine, c’est par référence aux États juifs bibliques ; donc vous devez lui fixer les mêmes frontières, à l’intérieur desquelles se trouvaient la Cisjordanie, le territoire de Gaza et d’autres régions qui n’ont pas encore été reconquises, « du Nil à l’Euphrate ». Israël n’a pas fait autre chose en 1967 que ce qu’il a fait en 1948, et si on l’a approuvé en 1948, on n’a aucune raison de ne pas l’approuver en 1967. Et ceux qui, comme vous, approuvent 1948 — ou du moins s’y résignent — parce qu’on se trouve en 1967, ceux-là qui désapprouvent 1967 l’approuveront en 1987 — ou du moins s’y résigneront. Non, cher Monsieur, reconnaître et tolérer l’injustice parce qu’elle est devenue un fait accompli n’est pas conforme à la justice biblique. Elle doit être réparée et effacée. L’État d’Israël portait dans son principe toutes les injustices et tous les crimes auxquels nous assistons aujourd’hui, il ne pouvait pas se créer sans les perpétrer et se maintenir sans les perpétuer et se développer sans en commettre de nouveaux et de pires. Il faut condamner l’État d’Israël en son principe, en son idée même, sinon nous serons témoins et complices de la destruction et de l’extermination du monde arabe — du moins palestinien. Car c’est la même référence biblique qui autorise la possession de la Palestine par les juifs et la dépossession et l’extermination, le génocide, de ses habitants :
« Vous conquerrez le pays et vous vous y établirez ; car c’est à vous que je le donne à titre de possession… Si vous ne dépossédez pas à votre profit tous les habitants de ce pays, ceux que vous aurez épargnés vous harcèleront sur le territoire que vous occuperez ». (Nombres, 35, 53-55).
Telle est l’exégèse littérale, simpliste, anti-rabbinique et anti-kabbalistique, qui permet aux sionistes comme aux nazis de commettre leurs génocides. Je dis bien les nazis aussi, car la Bible parle également d’extermination du peuple juif en cas de désobéissance et de rébellion. Les nazis, en se référant au sens simpliste de la Bible, comme les sionistes, pouvaient justifier Auschwitz et Treblinka : ils accomplissaient la volonté du Dieu d’Israël qui punissait son peuple pour son infidélité. Je l’ai écrit, je l’ai dit et je ne le répéterai jamais assez : ce n’est pas la bombe atomique qui provoquera la fin de l’humanité, mais une lecture erronée, une exégèse simpliste de la Parole de Dieu. Les rabbins du Talmud, contrairement au sens apparent de ce verset et d’autres, ont dit qu’il était interdit de retourner collectivement et par la violence en Palestine et de se rebeller contre les nations : c’est la condition pour que les nations supportent les juifs et les tolèrent ; sinon, les exterminations et les catastrophes se déchaînent (Talmud Ketoubote 111a). Le sionisme politique et la création d’un Etat juif en Palestine sans le consentement — ou même, d’après certains, avec le consentement — des nations étaient expressément interdits par les rabbins si l’on ne voulait pas provoquer des catastrophes épouvantables. En reconnaissant le droit à l’existence de l’Etat d’Israël, vous prenez parti pour les sionistes, qui sont des faiseurs de catastrophes, qui ont causé déjà et qui causeront des malheurs sans nombre dont seront victimes avant tout les pauvres et les faibles.